PFAS : une pollution invisible mais généralisée

31 octobre 2025
pollution

C’est un rapport que l’on redoutait sans vraiment l’attendre. L’Anses (agence nationale de sécurité sanitaire de l'environnement) vient de lever le voile sur l’ampleur d’une contamination silencieuse : celle des PFAS, ces « polluants éternels » désormais traqués jusque dans le sang des Français. Pour la première fois, l’agence sanitaire publie un panorama national fondé sur près de deux millions de données collectées dans l’eau, l’air, les sols, l’alimentation et même le lait maternel.

Le verdict ? Les PFAS sont partout. Dans nos rivières, nos champs, nos cuisines, nos tissus, nos corps.

 

Une contamination diffuse, sans issue claire

Ces molécules, utilisées depuis les années 1950 pour leurs propriétés anti-adhésives et imperméabilisantes (dans les poêles, emballages, textiles, mousses anti-incendie, cosmétiques…), ne se dégradent pas. Jamais. Leur stabilité chimique, autrefois vantée par l’industrie, en fait aujourd’hui une bombe écologique à retardement.

Selon l’Anses, 142 substances ont été détectées dans l’environnement français. L’eau potable, pourtant strictement contrôlée, n’y échappe pas. Dans certaines zones industrielles, les niveaux mesurés dépassent déjà les seuils de vigilance européens. Quant aux 247 PFAS que l’agence recommande désormais de surveiller, ils ne sont qu’une fraction des milliers existants — la plupart restant encore invisibles aux radars analytiques.

 

Les Français exposés, sans le savoir

L’étude révèle que la quasi-totalité de la population est exposée à ces composés, souvent dès la naissance. Des traces ont été retrouvées dans le sang, l’urine et le lait maternel. Si les niveaux moyens restent « comparables » à ceux observés ailleurs en Europe, l’Anses insiste sur un point crucial : il n’existe aucun seuil d’innocuité universellement établi. Même à faibles doses, certains PFAS sont suspectés d’agir sur les systèmes hormonal, immunitaire et reproducteur.

Les travaux scientifiques s’accumulent : baisse de la fertilité, cancers du rein ou des testicules, perturbations thyroïdiennes, effets sur le développement des enfants. Pourtant, la réglementation reste encore parcellaire.

 

Les angles morts du contrôle sanitaire

Le rapport met également en lumière ce que l’on ne voit pas : les zones blanches de la surveillance. Dans l’air, les sols, les poussières domestiques ou les milieux professionnels, les données sont quasi inexistantes. Les expositions liées aux vêtements, aux emballages alimentaires ou aux mousses anti-incendie demeurent largement sous-estimées.

L’Anses alerte : la France ne dispose pas d’un système pérenne pour suivre ces polluants dans tous les milieux. L’agence appelle à un changement d’échelle radical, évoquant la nécessité d’un observatoire national et d’une coordination interministérielle urgente.

 

Une bombe sociale et environnementale ?

Les PFAS ne se contentent pas d’empoisonner l’eau et l’air. Ils s’accumulent dans les chaînes alimentaires, remontent des sols aux nappes phréatiques, persistent dans les boues d’épuration et les composts agricoles. Certaines communes, contraintes de fermer des captages d’eau potable, se tournent vers des solutions d’urgence — traitement par charbon actif, importation d’eau de source — coûteuses et parfois inefficaces.

Pour les industriels, le défi est colossal : comment substituer des substances omniprésentes dans la chimie moderne ? Pour les pouvoirs publics, la question devient politique : qui paiera la facture du nettoyage ?

 

Une menace invisible, durable, et héritée

Ce que montre l’enquête de l’Anses, c’est moins un scandale ponctuel qu’un héritage toxique. Une pollution lente, discrète, quasi irréversible, qui relie les comportements de consommation d’hier aux risques sanitaires de demain.

Même si l’agence se veut prudente — aucune alerte immédiate n’est émise —, le ton a changé. La France découvre, comme avant elle les États-Unis ou les Pays-Bas, qu’elle porte dans son environnement les traces chimiques d’un demi-siècle de progrès industriel.

 

L’heure des choix

Derrière la froideur des chiffres, une réalité s’impose : les PFAS sont là pour des décennies, peut-être des siècles. La question n’est plus de savoir s’ils nous contaminent, mais jusqu’à quel point et avec quelles conséquences.

L’Anses appelle à une surveillance renforcée, à des restrictions d’usage, à une transparence accrue. Mais ces recommandations, sans moyens et volonté politique, risquent de rester lettre morte.

Pour en savoir plus : rapport anses