
Le verdict annuel de l'Observatoire de l'inclusion bancaire (OIB) est tombé. Publié en début d’été, le rapport sur les données de l'année 2024 dresse un tableau en clair-obscur, où les succès des dispositifs de protection se heurtent à la dure réalité d'une précarité croissante. Si les banques identifient mieux leurs clients fragiles, une hausse alarmante des dépôts de dossiers de surendettement vient confirmer les tensions économiques qui pèsent sur de nombreux ménages.
L'ombre du surendettement
Le chiffre est sans appel et constitue le point noir du rapport : le nombre de dossiers de surendettement déposés a bondi de 10,8 % en 2024, pour atteindre 134 803. Cette forte progression, qui fait suite à une première hausse observée en 2023, confirme que la sortie de la crise inflationniste laisse des traces profondes. L'endettement global des ménages concernés atteint désormais 4,5 milliards d'euros.
Selon les analyses de la Banque de France, le profil des personnes surendettées reste stable : il s'agit majoritairement de personnes seules (52 %), de femmes (55 %) et de familles monoparentales (20 %). Près de 70 % d'entre elles ont un niveau de vie inférieur au SMIC. Les dettes à la consommation, présentes dans 73 % des dossiers, demeurent un facteur déclencheur majeur, soulignant la vulnérabilité des ménages face aux crédits revolving et autres prêts personnels.
Des mécanismes de protection qui font leurs preuves
Face à cette vague de précarité, les outils de l'inclusion bancaire démontrent toutefois leur pertinence. Le nombre de personnes identifiées par les banques comme étant en situation de fragilité financière a continué d'augmenter pour atteindre 4,6 millions de clients fin 2024, soit une hausse de 6,3 % en un an. Loin d'être un signe de dégradation, l'Observatoire y voit le succès d'une politique de détection plus précoce et préventive, les banques repérant à 88 % ces situations sur la base de leurs propres critères avant que les difficultés ne s'aggravent.
Conséquence directe, l'Offre Clientèle Fragile (OCF), qui plafonne les frais d'incidents bancaires, a vu son nombre de bénéficiaires croître de 10 % pour atteindre 1,1 million de personnes. Ce dispositif s'impose comme un bouclier efficace contre la spirale des frais bancaires pour les plus démunis.
D'autres indicateurs témoignent d'une amélioration de l'accès aux services essentiels :
- Le droit au compte, procédure permettant aux personnes refusées par les banques d'obtenir un compte, voit le nombre de désignations continuer à baisser, signe d'une meilleure inclusion spontanée.
- Le microcrédit poursuit son essor, avec un encours dépassant les 2,1 milliards d'euros, confirmant son rôle d'outil de financement vital pour des projets professionnels ou personnels.
Vigilance et recommandations pour l'avenir
Si l'OIB se félicite du renforcement des filets de sécurité, il appelle à ne pas baisser la garde. La hausse du surendettement impose une vigilance accrue. Dans son rapport, l'Observatoire émet plusieurs recommandations fortes :
- Renforcer la prévention du surendettement : il est fortement recommandé de rendre systématique la consultation du Fichier national des incidents de remboursement des crédits aux particuliers (FICP) par tous les organismes avant l'octroi d'un crédit, afin d'éviter le "crédit de trop".
- Moderniser les dispositifs : l'OIB insiste sur la nécessité d'accélérer la dématérialisation complète de la procédure de droit au compte d'ici fin 2025 pour la rendre plus rapide et efficace.
- Soutenir le microcrédit : l'Observatoire alerte sur les difficultés de financement de l'accompagnement social, qui est pourtant la clé du succès du microcrédit. Il appelle à pérenniser ce soutien pour maintenir l'efficacité du dispositif.
En conclusion, le rapport 2024 de l'Observatoire de l'inclusion bancaire met en lumière une France bancaire à deux visages. D'un côté, des dispositifs de plus en plus robustes qui protègent efficacement une part croissante de la population fragile. De l'autre, une augmentation inquiétante du surendettement qui révèle que pour de nombreux Français, la stabilité financière reste un équilibre précaire. L'enjeu des prochains mois sera de contenir cette nouvelle vague de difficultés tout en consolidant les acquis d'une décennie d'action en faveur de l'inclusion.